Selon Météo France, si nous n’agissons pas maintenant, la fréquence des canicules doublera d’ici à 2050 et elles seront quasi permanentes en été d’ici la fin du siècle. La France subira alors 5 à 10 fois plus de jours de vagues de chaleur, qui pourront durer d’un à deux mois en continu. Alors, investir dans un climatiseur, est-ce la seule solution ?
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Chaud devant
« Les conditions climatiques vont considérablement se durcir dans les années qui viennent » explique Hakim Hamadou, Expert à l’ADEME Auvergne-Rhône-Alpes / Service Bâtiment et co-auteur de l’avis de l’ADEME sur le confort d’été. Refroidir les bâtiments sera donc indispensable. Mais avant cela, il est nécessaire d’anticiper dès maintenant l’adaptation du bâti afin de retarder l’usage de solutions actives de refroidissement (dont fait partie la climatisation) tout en maîtrisant mieux la consommation d’électricité de ces systèmes.
Comment retarder l’usage de la clim ?
À court terme, il est nécessaire de mettre en place ce qui peut être fait tout de suite ou assez rapidement. « Cela peut être l’installation et le bon usage des protections solaires extérieures, l’ouverture des ouvrants la nuit dès que la température redescend, les gestes efficaces au quotidien… » énumère Hakim Hamadou. À moyen terme, il y a les « mesures d’adaptation plus lourdes », dont le plus gros chantier est celui de la rénovation énergétique des bâtiments. La recommandation de l’ADEME à cet égard est très claire : il faut intégrer le « confort d’été » dans les futurs plans de rénovation. Il va falloir repenser la conception des bâtiments pour s’adapter au climat de demain et à la chaleur. On connaissait les « passoires thermiques » impossible à chauffer en hiver, il y a désormais les « bouilloires thermiques » qu’on ne peut rafraîchir en été et qui pourraient contribuer à renforcer la précarité énergétique de certains ménages si l’unique réponse est la climatisation.
Le saviez-vous ?
Au 1er janvier 2023, 17,8 % des logements en France étaient des passoires thermiques, c’est-à-dire classés F ou moins. En parallèle, 25 % des ménages en France disposent déjà de « solutions actives » de rafraîchissement, comme la climatisation.
Face aux vagues de chaleur, on protège, on isole et on ventile
Pour vivre au frais, vivons cachés ? « Les protections solaires extérieures doivent permettre de doser l’apport de lumière nécessaire sans vivre dans le noir en journée, tout en faisant circuler l’air plus frais la nuit. Elles devront aussi empêcher les risques d’intrusion ou ceux liés aux intempéries, moustiques… » indique Hakim Hamadou. Ces protections solaires (volets, brise-soleils orientables ou non, stores, jalousies, etc.) efficaces et avec un rôle multiple sont déjà en vente sur le marché.
En matière d’isolation, il est recommandé d’isoler les murs par l’extérieur quand cela est possible, car cela permet de stocker de la chaleur en hiver et de mobiliser cette inertie pour rafraîchir en été. « On peut également retrouver de l’inertie par les planchers ou les cloisonnements intérieurs » précise Hakim Hamadou. Ces solutions d’isolation par l’extérieur sont d’ailleurs couramment utilisées pour les logements, mais aussi les établissements publics, comme les écoles.
« Le niveau de confort n’est amélioré par l’isolation qu’en présence d’aération nocturne pour évacuer la chaleur emmagasinée dans la journée. Sinon le confort est dégradé, c’est l’effet « bouteille thermos ». La meilleure solution est de s’appuyer sur la ventilation naturelle, c’est-à-dire d’ouvrir sur les ouvrants sur les deux façades opposées afin de faire circuler des débits d’air frais important la nuit » indique Hakim Hamadou. C’est une solution qui fonctionne très bien hors canicule pour des logements ou bâtiments traversants. Pour aller un cran au-dessus, il faut opter pour les brasseurs d’air et ventilateurs plafonniers qui constituent des apports supplémentaires efficaces, avec un « cooling effect » (effet rafraîchissement) pouvant aller jusqu’à -2 ou -3° !
Faisons le test !
Une étude du Cerema Méditerranée réalisée à l’été 2023 montre qu’il est possible de prendre des mesures simples pour rafraîchir un bâtiment sans augmenter la chaleur extérieure. La simulation portait sur un collège toulousain soumis à une canicule similaire à celle de 2003. Pour éviter de faire perdre des heures de cours aux élèves à cause de la chaleur, le dispositif proposait d’aménager les horaires de façon à éviter les heures les plus chaudes de la journée. Il suggérait également de ventiler les salles de classe toute la nuit lorsque l’air est plus frais et d’ajouter des brasseurs d’air. Résultat : l’étude a montré qu’il était possible de garder les salles à moins de 30°C en cas de canicule, sans créer d’effet d’îlot de chaleur urbaine.
En cas de canicule : 3 technologies utiles
Les canicules ou épisodes de chaleur sans vent limitent l’effet des brasseurs d’air. Il faut alors apporter du froid.
- La géothermie de surface, solution de chauffage en hiver avec des pompes à chaleur (PAC), offre aussi la possibilité d’utiliser le géocooling qui est une technologie très intéressante, on exploite la température du sol pour rafraîchir un bâtiment en été. Lorsqu’il fait chaud dehors et que le sol est à 10° en profondeur, c’est très utile ! La PAC géothermale est réversible et peut aussi fonctionner en froid avec une bonne efficacité énergétique si les besoins sont importants.
- Autre solution, le « froid évaporatif » qui utilise l’évaporation de l’eau afin de refroidir l’air ambiant. C’est la fameuse « technique de grand-mère » avec le chiffon mouillé sur le ventilateur, qui est ici reprise et développée dans des équipements appelés « refroidisseurs par évaporation ».
- Enfin, les puits climatiques, également appelés puits canadien ou provençal, exploitent la fraîcheur du sol pour refroidir l’air insufflé dans le bâtiment, en le faisant préalablement passer dans un conduit enterré à 1,5 à 2 m de profondeur dans le sol.
« Ces trois technologies fonctionnent sur des bâtiments bien isolés avec de faibles besoins en froid, mais ne seront pas suffisantes sur une passoire thermique et/ou des immeubles mal conçus pour le confort d’été par exemple » précise Hakim Hamadou.
La climatisation en dernier recours
La climatisation « air-air » est une solution à étudier avec précaution. C’est un achat qui s’anticipe. « Il faut éviter les climatisations mobiles qui font sortir l’air chaud dans une gaine par la fenêtre entrebâillée, car elles sont très consommatrices en énergie et peu efficaces » indique Hakim Hamadou. Si un équipement de climatisation est indispensable, mieux vaut leur préférer les équipements fixes (split-système). Cependant, ceux-ci fonctionnent sur l’air extérieur, ce qui a pour effet d’aggraver l’îlot de chaleur, surtout en ville. C’est une solution de dernier recours. « Si tout le monde s’équipe d’une climatisation en ville et la règle à 23°C, on augmente de 2 à 3,6° la température de l’air extérieur d’ici 2030 » précise Hakim Hamadou[1]. Bien choisir sa clim, c’est dans tous les cas regarder l’étiquette énergie. Le guide Topten est très pratique pour choisir les équipements A+++ ! Une fois la clim installée, la maîtrise de la consigne de température de l’équipement est fondamentale. « Il est conseillé de régler la température de consigne de la clim à plus de 26°C. Cela divise entre 2,5 et plus de 4 la consommation énergétique selon la localisation, ce qui allège considérablement la facture » précise Hakim Hamadou.
Alors, quelle énergie choisir pour alimenter sa clim ?
« Il faudrait pouvoir alimenter ses équipements avec de l’énergie photovoltaïque, en les faisant fonctionner pendant les heures de la journée où le pic de production solaire est en phase avec celui de la demande de climatisation » explique Hakim Hamadou. Cela permettrait de réduire les coûts tout en participant à la sécurité de l’approvisionnement du réseau électrique, selon RTE. Et cela, d’autant plus que la production solaire est peu sensible aux impacts du changement climatique. On pourrait donc alimenter un système de rafraîchissement actif en plein pic de chaleur grâce au solaire photovoltaïque » conclut Hakim Hamadou.
En matière de rafraîchissement en été, il n’existe pas de solution miracle. Mais allier les gestes utiles à l’adaptation du bâti et aux technologies les plus efficaces, devrait nous permettre de profiter des prochains étés en toute tranquillité.
[1] Source : étude du CIRED pour Paris et l’Ile-de-France